Questions d'Amour

Est-ce que cette « fidélité avant le mariage » est compatible avec le fait de vivre quelques petites aventures, de « sortir » avec un copain ou une copine?

Si on pense à ce qu'est vraiment la fidélité, on voit bien honnêtement que ça pose un problème! Imaginez qu'on vous donne une camera d'un genre carrément nouveau qui permet de découvrir et de voir en direct la personne que vous épouserez un jour!... pas de pot, à peine avez-vous jeté un coup d'œil dans le viseur que vous l'apercevez se promener amoureusement main dans la main avec une autre, vous l'entendez lui dire des mots d'amour, et la camera impitoyable n'arrête même pas de filmer s'ils commencent à s'embrasser...

Quelle serait votre réaction ?

...une minute pour réfléchir...

ne trichez pas : dans la réalité, la camera n'existe pas mais si vous vous mariez, la personne que vous épouserez, elle, oui!

...Voilà sans doute quelque chose à lui pardonner, et le pardon c'est vraiment un acte d'amour ¼mais vous sentez bien que, dans un cas pareil, ce qui serait le plus juste, c'est que le jour ou vous rencontrerez votre futur conjoint il ou elle puisse vous dire: "Mais avec cette fille, ce garçon, j'étais prêt à m'engager pour toute la vie dans le mariage, nous étions fiancés : je croyais fermement que c'était toi" . En d'autres termes « Je me suis trompé -et ça fait très mal- mais je ne t'ai pas trompé »

On a donc droit à l'erreur bien sûr, mais on voit bien qu'une petite «aventure» amoureuse, une « relation », aussi « sincère » soit-elle, qui n'est pas vécue comme une étape très claire, réciproque et engageante vers le mariage, est nécessairement une aventure qu'on vole au futur conjoint: des mots, des gestes, une découverte, une intimité qui lui étaient réservés!

Etre fidèle, c'est pas simplement ne pas coucher ensemble!

...à moins que vous pensiez que dans le mariage aussi on peut « sortir » avec quelqu'un d'autre tant que ça ne va pas trop loin: votre couple aurait à peu près la même chance de survie que celle d'une personne qui voudrait traverser une autoroute à pied un jour de grand trafic...

Bonjour les dégâts !

Qu'est ce qu'on peut entendre par « flirt » ?

Flirter, sortir ensemble, avoir un copain, ou un petit copain, une amie, une petite amie, un amoureux, «être avec», «vivre une relation», «gentille» ou plus «poussée».

Autant d'expressions, autant de flous, qui disent sans dire et pourraient bien dire autre chose...on pourrait passer des heures à en lister les nuances dans la sincérité, les motivations et les formes.

Mais il suffit de reconnaître un point commun à toutes ces relations -et c'est ce que par commodité nous appellerons « flirt »: quelque soit le degré d'intimité établi, il s'agit d'une relation exclusive entre un garçon et une fille où s'exprime une forme d'intimité amoureuse (gestes, mots - ex: se dire qu'on s'aime, se donner la main, s'embrasser) qui n'est pas fondée sur un désir ferme, engageant, réaliste et réciproque de l'engagement à l'amour pour toujours dans le mariage.

Le flirt c'est ultra banal et même assez tentant pour qui veut tout essayer aujourd'hui sans penser à demain, et on le crois souvent anodin... et pourtant c'est « l'ennemi n°1 » du Grand Amour !

Néanmoins certains pensent que le flirt, quelques aventures sincères, c'est un moyen d'apprentissage de l'amour ?

Le premier problème c'est que l'amour n'est pas un jeu vidéo, ça implique une autre personne, une personne sacrée, une personne qui a droit à être aimée pour elle-même, à ne pas se faire « voler » pour une idylle temporaire ce qu'elle pourrait garder pour l'amour de sa vie : une personne, ce n'est pas un terrain d'entraînement, ni une piste d'essai.

Et dans la réalité à travers ces « aventures » même très « sincères », même si on ne va pas « trop loin », on s'entraîne surtout à ne pas savoir aimer, parce qu'on tombe en plein dans le piège de confondre «aimer» et «être amoureux ».

On s'habitue à s'engager dans l'amour uniquement en fonction de ce qu'on ressent, même « sincèrement », à appeler ça de l'amour alors que l'on n'a pas choisi la personne en fonction de la perspective de s'engager toute la vie avec elle ...et si on ne ressent plus rien ou plus assez, on arrête... sous le même prétexte de « sincérité ».

On s'habitue à justifier une rupture de la relation amoureuse sur un aléa sentimental, par une démission de l'amour : le « sentiment » devient une sorte de dictateur tout puissant, c'est lui qui décide à notre place, on ne croit plus à la liberté de choisir d'aimer...

Donc on s'entraîne surtout à ne pas surmonter les difficultés, à ne pas pardonner vraiment, et à laisser tomber l'autre au bout d'un, deux ou trois problèmes, ou par lassitude.

On s'entraîne aussi - le plus souvent inconsciemment - à utiliser l'autre, à le « consommer » un peu, à s'en servir pour son épanouissement personnel, en ne s'inquiétant pas de ce qu'on est peut - être ensemble que pour un temps limité.

On s'habitue à mettre l'amour au conditionnel (« on est ensemble tant que, pour autant que... ») alors que l'amour consiste à vouloir se donner pour toujours en recherchant le bien de l'autre avant le sien.

On s'habitue aussi à «changer» de partenaire...

Il ne s'agit pas bien évidemment de nier l'importance des sentiments dans le choix amoureux pour toute la vie, mais de reconnaître que dans cette culture du « sortir ensemble », au rythme des flirts, on façonne sa sensibilité, ses réflexes, son appréciation de l'amour d'une telle manière qu'on est abîmé dans sa capacité à aimer, et fragilisé dans son aptitude à vivre la fidélité... c'est un peu ennuyeux d'appeler cela un « entraînement » en vue de l'aventure du mariage où l'on s'engagera pour toute la vie !

Au contraire, en ayant « le courage de n'avoir aucun « ragazzo » - petit copain en Italien- avant ses fiançailles » selon les mots de Claire de Castelbajac, on construit par avance les piliers sur lesquels se fondera le mariage de demain:

en se gardant pour un (e) seul(e), on acquiert le sens de l'Unicité; en étant fidèle par anticipation à son futur conjoint, on apprend la Fidélité, et dans tout se temps libéré pour les autres, à travers de grandes et vraies amitiés, on apprend qu'il n'y a pas de relations vraies sans Fécondité.

Est-ce qu'on n'est pas obligé d'abord de «sortir» avec la personne pour savoir si on a envie de s'engager dans les fiançailles et le mariage avec elle?


On pense qu'en « essayant» une relation amoureuse avec une personne on augmente ses chances de la connaître en profondeur. Et c'est un autre piège.

La voie royale pour connaître l'autre c'est une forme d'amitié profonde et privilégiée, c'est elle qui donne le meilleur champ de vision.

Si on « sort » ensemble, qu'on entretient des gestes amoureux, il y a quelque chose qui est engagé, qui nous « ligote » même parfois, alors qu'on n'avait rien décidé.

Cela crée un lien qui rend moins libre, on n'arrive pas à prendre de la distance pour mieux discerner l'autre.

S'embrasser, se comporter comme un couple alors qu'on n'est pas prêts à devenir un couple pour toute la vie, ça ne fait que produire la confusion.

Les gestes ne sont pas un élément de connaissance de l'autre: c'est une expression, un langage merveilleux pour dire l'amour et jouir de ses fruits, quand on est certain que l'amour est bien là, donc qu'on est prêt à s'engager pour toute la vie.

L'essai fait obstacle au mûrissement de la décision puisqu'on est déjà «installé» dans une jouissance de la relation: on ressent moins la nécessité de mobiliser tout son être, son cœur, son intelligence, sa responsabilité pour pouvoir se décider et accéder à la relation; et on en est moins capable parce que la fusion aveugle.

Or, y voir clair c'est tout de même assez utile quand il s'agit de prendre une décision qui engage toute la vie ¼! Ainsi plus on s'essaye, moins on a besoin de se choisir, moins on est capable de discerner avec justesse, plus on a de mal à se décider et à prendre la bonne décision.

Et si de plus la relation est « publique », qu'on l'expose à ceux qui nous entourent (« On sort ensemble », «Ils sortent ensembles ») alors se met en place, à cause du regard des autres et de leurs commentaires, un lien supplémentaire extrêmement puissant qui peut nous enchaîner, fausser la donne, et bien souvent interférer dans le processus de décision.

On se prive pour une large part du bien le plus fondamental pour confirmer le choix dans l'amour : la liberté.

Garder le secret vis-à-vis des autres dans la naissance d'un amour, jusqu'au jour où on peut le montrer parce qu'on est décidé à s'engager pour toute la vie, c'est à la fois un trésor pour faire grandir l'intimité entre nous, un test pour vérifier qu'on n'a pas besoin du regard des autres pour se rassurer, et une condition pour être vraiment libres.

Rechercher le secret ce n'est pas une tradition ringarde pour coincés pudibonds... c'est un enjeu monumental du grand amour : le choix de l'autre ne peut se confirmer que dans la plus grande liberté !

Pourquoi ne pas voir le flirt sincère comme une aventure positive pouvant éventuellement conduire au mariage?

C'est un peu l'idée du « et plus si affinité » que l'on voit souvent en conclusion des annonces « coté cœur »...

Mais le problème à nouveau de toutes ces « relations » ou flirts les plus sincères c'est qu'ils s'inscrivent, même inconsciemment, dans une logique d'essai de la relation amoureuse : le couple attend de la relation elle-même, et en particulier de sa durée, de son déroulement, de ses bienfaits, de l'intensité de ses jouissances -ou du poids de ses difficultés -de décider à sa place de la suite à donner.

Il aura même l'impression, grâce à l'essai, d'avoir été « sauvé » de l'erreur sur le choix de la personne à chaque relation qui s'achève en rupture ... alors que l'erreur est au contraire de s'être lancé dans une histoire d'amour sans avoir chercher à l'inscrire "DES SON ORIGINE dans le projet de TOUTE la vie », comme nous y invite JP II.

Dès lors que l'on aura été façonné toute sa jeunesse dans une culture du « sortir ensemble », sur le mode inconscient de l'essai par le flirt, comment s'étonner alors qu'a l'heure des choix définitifs, surgisse violemment le sentiment de devoir essayer plus complètement encore en

vue du mariage qui engagera toute sa vie?

On aura la conviction que c'est le seul moyen sérieux de juger d'une personne puisque toutes les relations qu'on a vécues, même si elles étaient « gentilles », « limités», et « sincères » étaient dans cette logique.

Le flirt est donc l'antichambre naturelle du concubinage et du mariage à l'essai.

L' « essai » de la relation peut effectivement se « terminer » par un mariage, mais ses bases en seront plus fragiles …

en fait, comme dans les flirts qui se sont succédés, il y a un risque qu'on ait pas vraiment choisi l'autre, mais plutôt un niveau de satisfaction produit par la relation que l'on estimait suffisant.

Si un amour s'est déclaré et qu'il s'avère que l'un, l'autre, peut être même parfois les deux ne parviennent pas encore pleinement à se décider définitivement pour l'autre, comment vivre cette période d'hésitation en vérité, dans l'esprit du « Grand Amour »?

Trois attitudes vont authentifier la vérité de ce qui est vécu : une tension très forte et partagée pour parvenir à se décider, une très grande retenue dans les gestes d'affection que l'on échange - on n'est pas encore fiancé - et le souci de bâtir un espace de grande discrétion vis-à-vis des autres pour garder la plus grande liberté et les conditions paisibles du discernement.

On pourra alors parler de « pré-fiançailles » car tout est explicitement orienté et justifié dans l'unique perspective du mariage : la relation est toute entière « tendue » vers la prise de décision, et si elle est vécue en vérité, cette période est même douloureuse -un peu comme un enfantement- parce que le cœur « n'a pas de repos », il ne peut pas se réjouir pleinement de la relation n'y si « installer » d'aucune manière tant qu'il n'est pas parvenu à se décider définitivement... tout le contraire du « flirt tranquille».


Mais refuser de vivre quelques «amours temporaires » n'est-ce pas se livrer au jugement des autres et donner l'image de quelqu'un de « coincé » incapable «d'amour »?

C'est vrai qu'une telle exigence à contre courant n'est pas toujours facile, mais être porteur d'une telle espérance- une vocation, un grand amour- suscite d'abord le respect parce qu'elle est visible concrètement dans vos actes, vos choix, votre comportement: effectivement vous n'avez pas de « petit(e) » amie(e), en revanche vous avez quelques « grands » amis- garçons et filles- qui vous font grandir , de ceux qu'on garde pour la vie... vous ne « sortez » pas avec une fille, vous ne « sortez » pas avec un garçon... mais en en même temps on voit bien combien vous les aimez, que ce n'est par mépris ni absence de désirs, au contraire !

Vous êtes habité d'un grand désir, celui de vous préparer à vivre, quand il sera temps, quelque chose de grand, de vrai et de solide, et vous voulez partager cette espérance avec ceux qui vous entourent.

Et bien cela vous rend au contraire plus beau, plus lumineux, plus disponible... et encore plus attirant!

Un garçon bien dans sa peau, qui porte en lui cette aspiration au grand amour pour la vie, refuse pour cela d'entrer dans les jeux des petites aventures, et cherche à maîtriser son corps, voilà un terrain sûr... et avec ne serait-ce qu'un soupçon de droiture dans le cœur, une fille ne s'y trompera pas!

C'est comme une fille bien dans sa peau, qui ne craint pas d'être jolie mais porte le même désir brûlant d'un véritable amour, aspire à se garder entière pour lui, et donc refuse de distribuer quelques petits morceaux d'elle même, par ci par là.

Elle en est 100 fois plus belle et attirante... Parce que cette exigence de réserve est pleine de promesses, et de secrets gardés pour le grand amour de demain!

Que le garçon sent bien alors qu'une femme est un mystère plus grand que tout ce qu'on peut voir, que c'est cela qui l'attire, et non pas le séduit, qu'on ne « prend » pas une telle fille, et qu'on ne l'essaye pas non plus : qu'on la découvre comme un trésor, que c'est elle qui se donne pour toujours.

L'expérience confirme magnifiquement ces propos du psalmiste, "Les préceptes du Seigneur sont droits, ils réjouissent le cœur ; le commandement du Seigneur est limpide, il clarifie le regard."- Ps 18(19) - qu'une fille, un garçon, qui vivent de cette droiture, dans l'amour du Seigneur, ça se lit dans les yeux, parce qu'on y voit la lumière!

Et c'est certain, ce chemin pour un grand amour unique, ce chemin où l'on décide d'être fidèle à sa vocation, d'être fidèle à son amour avant de le connaître, ce n'est pas une petite cerise romantique pour faire joli sur un gâteau moralo - catho.

C'est un chemin efficace, profondément.

Il façonne un cœur grand et solide, capable de surmonter les épreuves.

Il fait mûrir et croître dans la largeur, la profondeur et la hauteur.

Il apprend la confiance en Dieu, et il donne confiance en soi.

Il donne un sens et une pratique profonde de l'amitié. Il rend incroyablement libre.

Et bien plus capable de vivre un jour à fond le grand choix de l'engagement pour toute la vie dans l'amour: clé du bonheur.

L'emprunter, c'est creuser aujourd'hui 100 coudées de plus dans les fondations de sa vie, de son mariage, de sa vocation de demain.

Refuser le flirt est moins radical que de s'engager à vie dans le mariage.

Adhérer à cette ébauche de radicalité, c'est s'entraîner à la plus grande.